Des études récentes montrent qu’une infection par le coronavirus peut révéler un diabète de type 2 ou, plus rarement, un diabète de type 1. Par quels mécanismes ? Les explications du Pr Eric Renard, responsable du service de diabétologie au CHU de Montpellier et Dr Joseph Bigirimana, Représentant Légal de l’association Initiative pour la Promotion de la santé Rurale et le Développement.
Des scientifiques ont, ces derniers mois, attiré l’attention sur le risque de développer un diabète après une infection par le Sars-Cov2. Publiée le 21 mars 2022, une étude américaine portant sur 200 000 personnes montre que le diabète est une séquelle possible de l’infection. Un autre travail de recherche, mené par une équipe allemande et publié dans la revue Diabetologia le 16 mars 2022, compare deux groupes de patients après leur consultation chez un médecin généraliste : le premier infecté par le Covid, le second présentant une infection respiratoire due à un virus autre que le coronavirus. Résultats : le risque de diabète de type 2 est augmenté de 28 % dans le premier groupe par rapport au second.
Ces résultats interpellent la communauté des diabétologues. Pour le Pr Eric Renard, vice-président de la Société francophone du diabète, il faut distinguer deux situations : d’un côté les diabètes de type 2 survenant sans réelle surprise chez des patients prédisposés, de l’autre les cas plus inattendus de diabète de type 1 chez les enfants, des adolescents ou, parfois, des adultes.
Un risque augmenté chez des patients prédisposés au diabète de type 2
Dans leur grande majorité, les cas de diabète apparus après un Covid sont de « type 2 ».
Qu’est-ce qu’un diabète de type 2 ?
Selon Dr Joseph Bigirimana, Représentant Légal de l’association IROSARUDE (Initiative pour la Promotion de la Santé Rurale et le Développement), cette maladie survient, en général, vers l’âge de 50 ans, chez des personnes en surpoids et sédentaires, ou qui ont des antécédents familiaux. Progressivement, leur taux de sucre dans le sang (la glycémie) se met à augmenter. Leur organisme est résistant à l’insuline, l’hormone chargée de réguler la glycémie tout au long de la journée. Chez ces personnes, les cellules bêta qui, dans le pancréas, sécrètent l’insuline, ne sont pas détruites. Elles continuent de fonctionner, mais avec des limites.
Ce diabète de type 2 évolue sans symptôme. Seuls des dosages sanguins de la glycémie peuvent le révéler. La personne commence par développer un pré- diabète, caractérisé par une glycémie à jeun mesurée à plusieurs reprises entre 1 et 1,25 gramme par litre (g/l). « On estime qu’actuellement au Burundi, entre 500 000 et 1 million de personnes sont en pré diabète », souligne Dr Joseph Bigirimana. Le diagnostic de diabète est posé lorsque cette glycémie à jeun est dosée au-moins deux fois au-dessus de 1,26 g/l.
Que se passe –t-il lors d’une infection par le Sars-Cov2 ?
Le virus pénètre dans l’organisme, et notamment dans les cellules bêta du pancréas. Cette infection déclenche une réaction inflammatoire qui, à son tour, induit une résistance à l’insuline. Conséquence, la glycémie grimpe.
Chez les personnes dont le pancréas est bonne santé, la sécrétion d’insuline va s’accroître pour dépasser le phénomène de résistance, et la glycémie va rester normale. Mais chez ceux dont le pancréas a des capacités limitées d’adaptation, un Covid même modéré peut aboutir à un diabète de type 2.
Pr Renard : « Beaucoup des patients concernés étaient en pré diabète ou démarraient un diabète sans le savoir. La réaction inflammatoire due à l’infection par le coronavirus a créé une résistance à l’insuline chez des personnes dont le pancréas était déjà défaillant. »
Pour Dr Joseph, dans les cas les plus graves, la réaction inflammatoire est tellement violente qu’elle provoque une hyperglycémie très importante. Il faut alors mettre le patient sous insuline. La plupart du temps, ce traitement est transitoire. Quand la glycémie est de nouveau sous contrôle et que l’infection est guérie, le patient revient à une prise en charge habituelle du diabète de type 2 : perte de poids, alimentation équilibrée, pratique régulière d’une activité physique et, si besoin, prescription de médicaments autres que l’insuline.
En revanche dans les covid longs, selon les mêmes chercheurs, lorsque l’inflammation persiste plusieurs mois, les injections d’insuline doivent être poursuivies le temps nécessaire.
Plus rarement, la Covid -19 peut révéler un diabète de type 1
Dans des cas beaucoup plus rares, touchant essentiellement des enfants, des adolescents ou de jeunes adultes, l’infection par le coronavirus révèle un diabète de type 1 alors que ces patients n’avaient en apparence aucun facteur de risque.
Qu’est-ce qu’un diabète de type 1 ?
Dans cette forme de la maladie, les cellules bêta du pancréas sont détruites de manière irréversible par les propres défenses de l’organisme (c’est pourquoi on parle de maladie auto-immune) et ne produisent plus d’insuline. Pour contrôler sa glycémie, le patient doit bénéficier d’apports quotidiens en insuline, soit en auto-infections soit à l’aide d’une pompe.
Que se passe –t-il après une infection par le Sars-cov2 ?
Le mécanisme est moins clair que pour les diabètes de type 2 survenus après un Covid. Néanmoins une hypothèse prédomine : « Le coronavirus modifierait les cellules bêta après les avoir infectées, ce qui pourrait déclencher une réaction auto-immune chez des sujets prédisposés. Dans ce cas, l’organisme du patient détruit ses propres cellules puisqu’il les considère comme anormales », explique le Pr Eric Renard. Le seul traitement possible reste l’insuline, à vie.
Faut-il dépister systématiquement un diabète après un Covid ?
Il n’y a pas lieu de se précipiter pour effectuer un dosage de la glycémie après un épisode infectieux. « Un Covid seul ne suffit pas à justifier la surveillance de la glycémie», assure Dr Joseph .
Cette surveillance se justifie, en revanche, chez des personnes qui présentent des facteurs de risque de diabète (obésité, surpoids, antécédents familiaux…). Elle leur est, de toute façon, recommandée même en dehors du contexte Covid.
La seule véritable urgence, c’est l’apparition de symptômes suggérant un diabète après un Covid, comme une soif très intense ou des envies d’uriner fréquentes. Dans ce cas, un dépistage rapide du diabète s’impose.
D’autres virus et le stress peuvent être en cause
L’épidémie de Covid a mis en lumière les liens existants entre le coronavirus et le diabète. Mais le Sars-Cov2 n’est pas le seul virus en cause. « Il existe d’autres virus diabétogènes comme les virus coxsackies (notamment à l’origine du syndrome pieds-mains –bouche NDLR), ceux de la rubéole ou des oreillons qui peuvent induire un diabète de type 1 », souligne Dr Joseph Bigirimana.
Dans de nombreuses infections virales plus communes, comme la grippe, l’inflammation peut aussi révéler un diabète de type 2, selon le même mécanisme qu’avec le Sars-Cov2.
Mais ce processus peut également se mettre en route après un événement particulièrement stressant, comme un accident de la route ou un grave problème cardiaque. « Après un infarctus, un tiers des patients découvrent qu’ils sont diabétiques alors qu’ils ne le savaient pas. L’infarctus induit un stress intense qui fait monter la glycémie », explique le diabétologue.
Les cas de diabète survenus pendant la pandémie de Covid-19 n’ont donc pas surpris les diabétologues. « Ce qui nous a surpris, c’est la violence de la réaction inflammatoire qui déclenche une forte montée glycémique brutale », précise tout de même Pr Eric Renard, responsable du service de diabétologie au CHU de Montpellier.
Il est à rappeler que dans toutes les polycliniques de l’Iprosarude, Polyclinique Espoir de Gitega, Polyclinique Espoir de Kayanza, de Mwaro et Makamba, les tests rapides au diabète sont disponibles.
E.Allickan Niragira
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